Le retour de Stefanos Tsitsipas. Il paraissait perdu à tout jamais. Pourtant, il a produit un tennis exceptionnel à Dubaï. Son premier titre en ATP 500 récompense sa superbe semaine.Ces derniers jours donnent surtout envie de suivre ses prochains matchs. Voici pourquoi…
Parce qu’il a un revers à une main
Ce coup, parfaitement exécuté, révèle toute la beauté du tennis : de l’élégance, de la vitesse, de la brutalité mais aussi beaucoup de finesse. Le revers de Stefanos Tsitsipas a longtemps manqué de tout cela. Trop lifté, trop court, trop boisé ou trop flottant quand il est slicé. Au mois d’août dernier, il a entamé un important travail sur ce geste qui l’a si souvent trahi. Déjà, au Masters de Paris, les changements pointaient le bout de leur nez. Moins de slices et plus de revers à plat. Beaucoup sortaient hors des limites du court. Tout est une question de centimètres et de pratique.
La semaine dernière, à Dubaï, les progrès du Grec étaient flagrants. Il tenait la cadence dans la diagonale de revers, bien installé en fond de court. Ce coup était aussi au cœur de son schéma tactique. Ses décalages long de ligne lui offraient le temps nécessaire pour faire la différence avec son coup droit. Et ses retours ! Habituellement assez catastrophiques côté revers, ils ont fusé de tous les côtés en fin de semaine. Notamment en finale contre Félix Auger-Aliassime.
Parce qu’il a envie
De quoi ? De retrouver son meilleur niveau, de montrer qu’il n’est pas un champion dépassé, d’accomplir de nouveaux exploits. Cette flamme s’était éteinte l’année dernière, et peut être même celle d’avant. Qu’il perde ou qu’il gagne, il restait impassible. Ni joie ni déception ne pouvaient se lire dans ses yeux. Comme si son corps se battait sur le court mécaniquement, sans que son esprit n’y prête attention. « J’étais en burn out et en état de dépression d’après plusieurs spécialistes », confiait Stefanos Tsitsipas dans le podcast de Caroline Garcia, Tennis Insider Club.
Cette désastreuse parenthèse semble doucement s’éloigner de lui. Si son début de saison laisse à désirer en termes de résultats, son attitude est restée irréprochable. Avant sa semaine à Dubaï, Stefanos Tsitsipas comptabilisait quatre défaites pour seulement trois victoires depuis le mois de janvier. Malgré de nombreuses déceptions, son changement d’état d’esprit se pressentait. Le revoir s’agacer sur le court était signe d’engagement, d’orgueil et d’espoir de s’améliorer. Son abnégation a porté ses fruits. Il a enfin remporté son premier ATP 500 – après onze échecs en finale au cours de sa carrière.
Parce qu’il n’est pas comme les autres
Plus les années passent, plus le tennis s’uniformise. L’immense majorité du top 10 actuel suit la même ligne directrice : des longs échanges de fond de court. Passer en puissance ou forcer l’autre à la faute. Stefanos Tsitsipas refuse de se plier aux règles. Ce qui lui plaît, c’est construire pour mieux déborder. Travailler son adversaire jusqu’à trouver l’ouverture. Dès qu’elle se présente, il s’engouffre. Cet état d’esprit mène à des éclats de génie ou des carnages.
Lorsque le finaliste de Roland Garros 2021 a les idées claires, il n’y a rien de plus beau. Sa prise de balle tôt en coup droit, ses amorties de revers et ses volées déposées juste derrière le filet. C’est un régal pour tous les yeux affutés. Dans ses moins bons jours, les points peuvent défiler très vite. Prise de risque excessive, volées caviardées et montées au filet hasardeuses qui se soldent bien trop souvent par des passings. Au fil de ses matchs à Dubaï, Stefanos Tsitsipas a gommé ses défauts pour ne garder que les meilleurs aspects de son jeu.
Parce qu’il lutte en permanence
Contre ses adversaires, mais surtout contre lui-même. Se trouver dans la tête de Stefanos Tsitsipas ne doit pas être facile tous les jours. Il s’y passe tellement de choses, qu’il perd le fil de ses pensées en interview. Sur le court, ce ne sont pas ses mots qu’il oublie mais son tennis. Ses matchs contre Karen Khachanov et Matteo Berrettini à Dubaï l’ont démontré. Il alternait entre erreurs grossières, coups gagnants, doubles fautes et frappes de génie.
Le tennis c’est comme le vélo ; ça ne s’oublie pas. En revanche, la confiance en soi et en son jeu s’enfuit en un claquement de doigt. Renouer avec elle n’est pas chose aisée. Stefanos Tsitsipas l’a bien compris ces dernières années. Alors, il se bat. A chaque instant. Contre son envie d’abandonner le tennis il y a quelques mois, contre son impatience à l’échange, contre ses baisses de concentration et contre l’envie de casser sa raquette quand des occasions lui passent sous le nez. Ce combat intérieur ne rend ses matchs que plus passionnants. Chaque point a le pouvoir de faire basculer la rencontre. Dans un sens ou dans l’autre.
Parce qu’il a le don de faire voyager les spectateurs
Il suffit de le regarder quelques minutes pour vivre ses rencontres avec lui. Hypnotique, son jeu ne peut que transporter les amateurs de tennis. Chacun des gestes effectué par Stefanos Tsitsipas traduit ce qu’il ressent : de la fierté, de l’incrédulité, de l’agacement ou de la détermination. Sa capacité à partager ses états d’âme peut jouer des tours à ses fervents supporters.
Rien n’est plus affligeant que d’assister à un match du joueur grec quand il n’a pas toute sa tête. L’excitation de regarder une rencontre pleine de folie se transforme vite en déception de tous les instants. Le contraste entre son talent et ce qu’il a souvent montré sur le court ces derniers temps fait mal au cœur. Pourtant, chacun de ces moments vaut le coup. Parce que cela permet d’apprécier à sa juste valeur son meilleur niveau quand il réapparait comme par magie – comme à Dubaï. Parce que tous les joueurs de tennis n’ont pas la chance de procurer autant d’émotions. Joie, tristesse ou rage. Chaque seconde mérite d’être vécue pleinement aux côtés de Stefanos Tsitsipas.
Un titre ne peut pas effacer tous ses malheurs. Le tennis est bien trop exigeant. Sa victoire à Dubaï n’est pas un accomplissement mais le début d’une nouvelle aventure. Elle sera faite de doutes, de bonheurs, de peines et de plein d’autres choses. Une seule question demeure : qui l’emportera ? La réponse au cours des prochains mois.
Marnie Abbou